Critique littéraire : « La porte du voyage sans retour » de David Diop
By CulturicheLittérature
Critique littéraire : « La porte du voyage sans retour » de David Diop
Dans un récit gigogne qui embarque le lecteur au pays de la Téranga, le romancier d’origine sénégalaise livre une œuvre où se mêlent traditions et légendes, réflexions sur l’art et beaucoup d’humanité. C’est puissant, non dénué d’humour et aussi palpitant qu’un roman d’aventure.
Par Franck Bortelle
Au pays de la Téranga
En 1752, la traite négrière bat son plein et l’île de Gorée, au large de Dakar, en constitue l’un des sommets du tristement célèbre commerce triangulaire. La Maison des Esclaves et sa terrible porte sans retour d’où partaient hommes, femmes et enfants valides, en est encore le témoin silencieux aujourd’hui à Gorée.

Nous partons en compagnie d’un botaniste, Michel Adanson, dont la mission initiale de dénombrer les espèces de plantes dans le pays le plus occidental du continent africain va prendre un tournant des plus inattendus.
Attendre l’inattendu
Dire que David Diop a jeté un pont entre le 18ème siècle et le 21ème en termes d’inattendu serait peut-être exagéré mais, pour qui a vécu au pays de la Téranga, l’aventure commence pourtant souvent très vite après la sortie de l’avion.
Notre botaniste, lui, venu en bateau de sa France natale, va entendre parler d’une mystérieuse femme, Maram, qui serait revenue de l’infamante porte sans retour. Au détour de multiples péripéties, il tombe sur elle et l’écoute raconter son histoire.
Le romancier, né en France mais qui a vécu toute son enfance au Sénégal, nous livre un roman éblouissant tant dans le fond que la forme. Dans un style aussi flamboyant que l’arbre éponyme, à la fois classique et un tantinet précieux, il nous embarque dans cette folle pérégrination sénégalaise où légendes et traditions se taillent la part belle de ce récit.
Un récit gigogne puisque s’entremêlent trois lignes narratives qui confèrent à ce bel ouvrage le caractère épique des livres qu’on ne lâche plus dès qu’on les a ouverts.

Ne se contentant pas de maintenir son lecteur en haleine dans son maelstrom de péripéties et son camaïeu de pistes semées d’embuches, le romancier va appuyer là où ça fait mal. Tout en livrant une ode à l’amour et à la fraternité entre les peuples, il va torpiller avec élégance, voire résilience, le racisme et l’esclavage en s’appuyant sur le choc des cultures que soulignent les codes d’honneur qui s’immisce dans les pages à l’instar de quelques belles digressions sur l’art et notamment l’écriture.
Un livre d’une très belle facture qui nous plonge au cœur d’un pays qu’on croit connaître mais qui a pourtant beaucoup de choses encore à nous apprendre.
Extraits :
« Il est vrai aussi que Maram ne m’a pas précisément raconté son histoire comme je te la donne à lire. Mais plus j’écris, plus je deviens écrivain. S’il m’arrive d’imaginer ce qui lui est arrivé quand j’ai oublié ce qu’elle m’a dit précisément, ce n’est pas pour autant un mensonge. Car il me semble juste de penser désormais que seule la fiction, le roman d’une vie, peut donner un véritable aperçu de sa réalité profonde, de sa complexité, éclairant ses opacités, en grande partie indiscernables par la personne même qui l’a vécue ».
« Grâce à l’art, nous arrivons parfois à entrouvrir une porte dérobée donnant sur la part la plus obscure de notre être, aussi noire que le fond d’un cachot. Et, une fois cette porte grande ouverte, les recoins de notre âme sont si bien éclairés par la lumière qu’elle laisse passer, qu’aucun mensonge sur nous-même ne trouve plus la moindre parcelle d’ombre où se réfugier, comme lorsque brille un soleil d’Afrique à son zénith ».
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