Ciné-critique : Djagassa, pour l’amour d’une mère
By CulturicheArts visuels
Ciné-critique : Djagassa, pour l’amour d’une mère
Hyacinthe Hounsou réalise avec son quatrième long métrage une œuvre forte et dense, un film somme sur quelques fléaux qui enlisent son pays. Un très beau travail à soutenir et encourager car la nouvelle vague du cinéma ivoirien pourrait bien venir de cette incontestable réussite.
Par Franck Bortelle
Bendji, adolescent déscolarisé, se rend à la police, persuadé d’avoir tué le contremaître de la mine d’orpaillage clandestine dans laquelle il s’est enrôlé volontairement. L’officier de police qui le reçoit connaît bien son cas pour avoir, quelques temps plus tôt, arrêté sa mère accusée de meurtre. Aidé par la police et une assistante sociale, le jeune homme va s’employer à faire relâcher celle qui est tout pour lui, sa confidente aussi bien que sa pourvoyeuse de rêves. Embuches et obstacles vont jalonner ce long parcours vers la vérité.
Si ce portrait d’un ado désabusé et parachuté de force dans un monde d’adultes réussit à convaincre, il faut bien évidemment tout d’abord en accorder le plein satisfecit à son scénariste. L’écriture, extrêmement soignée de « H.H. », comme l’appellent ses proches, va prendre appui sur ce personnage central, axe narratif autour duquel s’élaborent l’intrigue et le constat social alarmant d’un pays en mal de repères. La maîtrise des effets de narration, nœuds dramatiques et péripéties, témoigne d’un travail d’entomologiste à saluer.

D’un écran à l’autre
Les plus grands cinéastes ont toujours écrit leurs scénarios, pierre angulaire de leurs œuvres en devenir, maitrisant ainsi leur sujet d’un écran à l’autre, de l’ordinateur à la salle de projection… (1). Hyacinthe Hounsou a parfaitement intégré ce concept et la mise en image de son travail d’écriture témoigne d’un savoir-faire évident dans la continuité artistique. Construisant son film en flash-backs itératifs servant une narration toujours très fluide, sans jamais déconnecter le spectateur alors même qu’aucun effet de caméra ne vient les annoncer, comme cela se pratiquait dans le cinéma US d’après-guerre (2), il fait confiance à son script avant tout. Et à ses interprètes…

La distribution offre en effet de très beaux moments. Et si l’on retient plus particulièrement la puissante cinégénie du jeune Yohann Bado dans le rôle de Bendji, on ne peut qu’admirer les deux femmes fortes du film (l’assistante sociale et la mère du jeune garçon) rôles défendus par deux excellentes comédiennes au spectre émotionnel plus que large.
Loin d’un naturalisme auquel on aurait pu s’attendre sur de tels sujets sociétaux (travail des enfants, place de la femme dans une société fortement patriarcale, corruption généralisée, terrorisme, fossé social provoqué par l’argent), « Djagassa » est avant tout une œuvre de pure fiction, misant sur l’action et traitée comme telle. La musique, d’une étourdissante beauté, offre un lyrisme à des images très travaillées qui rendent hommage à la magnificence du pays mais elle accompagne également de splendides séquences de pure émotion.
Un bel objet de cinéma donc qui aurait certes pu être amputé d’une ou deux séquences (dans la maison de l’ex-femme du flic, notamment), mais dont la tenue aussi bien filmique (cadrages, choix de plans) que narrative laisse entrevoir une sortie de tunnel au cinéma ivoirien. Du très beau travail, assurément.
- Ne citons qu’Orson Welles, Alfred Hitchcock, Claude Chabrol, Ken Loach ou Quentin Tarantino…
- Entre autres Vincente Minnelli dont « Les Ensorcelés » est construit sur trois flashbacks, Joseph L. Mankiewicz avec sa sublime « Comtesse aux pieds nus », Billy Wilder et son chef d’œuvre du film noir « Assurance sur la mort » ou plus récemment le « Titanic » de James Cameron.
DJAGASSA
Écrit et réalisé par Hyacinthe HOUNSOU
Avec Yohann Bado, Christian Ezan, Hadja Ouattara, Jimmy Koy, Aurélie Eliam…
Photographie : Alain Nounagnon
Musique : Jesse Sah Bi et Mida Mathness
Genre : Drame, aventures
Durée : 2h00
Actuellement sur les écrans d’Abidjan
Related Posts
Articles récents
Commentaires récents
- HENOC GBE dans Découverte : Ani Eliam, scénariste de la série « Voyage de rêve » sélectionnée au FESPACO 2021
- Dominique Aimérencienne dans Découverte : Ani Eliam, scénariste de la série « Voyage de rêve » sélectionnée au FESPACO 2021
- Culturiche dans Clentelex : De Babi à Montreux
- KEDAGNI dans Clentelex : De Babi à Montreux
- Kedmar dans Clentelex : De Babi à Montreux
Archives
- novembre 2021
- octobre 2021
- septembre 2021
- août 2021
- juin 2021
- mai 2021
- avril 2021
- mars 2021
- février 2021
- janvier 2021
- décembre 2020
- novembre 2020
- octobre 2020
- janvier 2020
- décembre 2019
- novembre 2019
- octobre 2019
- septembre 2019
- août 2019
- juillet 2019
- juin 2019
- mai 2019
- avril 2019
- mars 2019
- février 2019
- janvier 2019
- juin 2018
- mai 2018
- avril 2018
- mars 2018
- février 2018
- janvier 2018
- décembre 2017
- novembre 2017
- octobre 2017
- mai 2017
- décembre 2016
- octobre 2016
- septembre 2016
- août 2016
- juin 2016
- avril 2016
- mars 2016
- février 2016
- janvier 2016
- décembre 2015
- octobre 2015
- juillet 2015
- avril 2015
- novembre 2012